viernes, 29 de abril de 2016

NAVIA MAGLOIRE [18.577]


Navia Magloire

Nació en el Cabo Haitiano, Haití. Completó sus estudios universitarios en Ciencias de la Educación y Psicología en la Universidad Jean-Price Mars (UJPM), donde entró en contacto intelectual con los mejores profesores de la institución, entre ellos Pradrel Pompilus, Chavannes Douyon y Philippe Leurebourg. En Francia, obtuvo un pregrado y después una maestría en Psicología Clínica. Durante su estancia en Estados Unidos se familiarizó con la poesía de Anthony Phelps y Saint-John Kauss, quienes se convirtieron para ella en ejemplos a seguir. Ha publicado Un trou dans le coeur [Un agujero en el corazón] (2007) y Blessures de l’âme [Heridas del alma] (2012); es representante del surplurealismo fatalista de lo absurdo.


Versión al español de
Cristina García, María García y Alejandro Múnera



Sueño abstracto

Indecible fragmento
insípido martilleo
en la neurosis colonizada
Mi isla
pasarela de naufragios
en las cadenas de vientos negreros
isla delirio
irreal genio
ideal martilleo
en los zarcillos de la negación
Mi isla
derrumbada en el eco del olvido
isla tácita, código de mareas negreras
Ilusión mística
desmembramiento tiránico
fecundado en la histeria
Mi isla,
resguarda su misterio
en el tormento de hordas
isla agotada, en las cadenas negreras.




Escisión

La nada invierte el ritmo
de montañas hambrientas
y las guitarras secuestradas enmudecen
en la complicidad del vacío
vivimos en suspenso
en la desbandada del mal amado
Los parásitos invaden la lira
de los cafetos
y los banjos aturdidos se pierden
en el cinismo del viento
caminamos al revés
en el lamento de la mal amada
La insolencia acecha el aire
de los combites
y los bambús caídos se agotan
en los Raras abandonados
morimos de pie
en la paradoja de la tierra incomprendida.




Perjurio

Quisiera huir
Huir
como una borrasca de mediodía
de ese mito de taller
bajo nuestros suspiros ahogados
de miradas comercializadas
Huir
como un camino que se eclipsa
de ese culto de tercer mundo
bajo nuestros pasos estereotipados
de nuestras sonrisas domadas
Huir
como un imaginario incrédulo
de esas fábulas cultas
en nuestra quietud sometida
de nuestras neuronas en necrosis
Huir
Huir como un absurdo error
De ese carrusel de miseria
bajo nuestra aprobación sobornada
por baratas ONGs.




Venus negra

Escucha mi lamento
escrito en letras incultas
en la acuarela sapiens.
Es bohemio, oscuro
nacer mujer
pues el capricho de los dioses se ajusta
al alfabeto de sus delirios
Atiende este quejido
garabateado en versículos inciertos
en la duplicidad de los hombres.
Es ingrato, abyecto
nacer mujer
pues el gozo de los dioses deshonra
la elocución misógina de su sentido
Vuelve a leer estas letras
esbozadas de versos anoréxicos
en el fantasma de los faublas.
Es furtivo, ilícito
nacer mujer
pues el voto de los dioses retoca
el veneno priápico de sus espíritus.

Cuadernos de Literatura del Caribe e Hisp anoamérica • ISSN 1794-8290 • No. 18 • Julio-Diciembre 2013 • 257 - 345
Haití en femenino: Veintidós voces




Rêve abstrait

Fragment d’indicible
martèlement d’insipide
dans la névrose colonisée
Mon île
passerelle de naufrages
dans les entraves de vents négriers
île délire
génie d’irréel
martèlement d’idéel
dans les vrilles du déni
Mon île
déconstruite dans l’écho de l’oubli
île tacite, codage des marées négrières
Mirage mystique
écartèlement tyrannique
copulée dans l’hystérie
Mon île,
escorte son mystère
dans le tourment des hordes
île tarie, dans les enclaves négrières.




Excision

Le néant investit la cadence
des montagnes affamées
et les guitares séquestrées se taisent
dans la complicité du vide
on vit en suspend
dans la déroute du mal aimée
Des vermines envahissent la lyre
des caféiers
et les banjos assommés se perdent
dans le cynisme du vent
on marche à l’envers
dans le gémissement de la mal aimée
L’insolence assiège les airs
des coumbites
et les bambous abattus s’épuisent
dans les Raras désertés
on meurt debout
dans le paradoxe de la terre
incomprise.





Parjure

Je voudrais fuir
Fuir
comme un orage de midi
ce mythe d’atelier
sous nos soupirs étouffés
de regards commercialisés
Fuir
comme un chemin qui s’éclipse
ce culte de tiers monde
sous nos pas stéréotypés
de nos sourires domptés
Fuir
comme un imaginaire incrédule
ces fables cultivées
dans notre quiétude apprivoisée
de nos neurones nécrosés
Fuir
Fuir comme une absurde erreur
ce manège de misère
sous nos assentiments soudoyés
par des ONG à bon marché.




Vénus Noire

Écoute ma complainte
écrite en lettres incultes
dans l’aquarelle sapiens.
bohème, obscure
de naître femme
car le caprice des dieux s’accouple
à l’alphabet de leurs délires
Entend cette plainte
gribouillée en versets incertains
dans la duplicité des hommes.
ingrat, abjecte
de naître femme
car la félicité des dieux souille
l’élocution misogyne de leur sens
Relis ces lettres
crayonnées de vers anorexiques
dans le fantasme des faublas.
occulte, illicite
de naître femme
car le vœu des dieux recoupe
le venin priapique de leurs esprits.



Navia MAGLOIRE

Navia Magloire, née au Cap-Haïtien dans les Antilles surnommées dans le temps la Méditerranée de l’Amérique. Elle débute sa scolarité des l’âge de 2 ans à Saint-Joseph de Cluny où elle termine ses études primaire et secondaire classiques. Elle complète des études universitaires, en science de l’éducation et de psychologie à l’Université Jean Price-Mars (UJPM), et sera en contact intellectuel avec les meilleurs professeurs de l’institution dont Pradel Pompilus, Chavannes Douyon, Philippe Lerebours, docteurs respectivement en Linguistique, Psychologie et Lettres.

Ses études terminées, elle quitte Haïti pour entreprendre des études en France où elle décroche d’abord une Licence et ensuite une Maîtrise en Psychologie clinique à l’université Lumière Lyon II, un diplôme Inter Universitaire (DIU) en audiophonologie de l’adulte à l’Université Claude Bernard Lyon I. Navia MAGLOIRE
Ce parcours, tout en la destinant à la profession de psychologue, ne l’a pas éloigné des milieux littéraires tels que l’Alliance française où, au cours de ses longues visites à sa bibliothèque, elle dévore les produits de la littérature française dans le but d’augmenter ses connaissances, se familiariser avec les écrivains français et ainsi donner corps à son ambition, celle de publier ses propres œuvres dans un avenir pas trop éloigné.

C’est durant son séjour aux États-unis d’Amérique qu’elle se familiarisera avec la poésie d’Anthony Phelps (et plus tard de Saint-John Kauss) qui devient pour elle un exemple à suivre, et qui la pousse à considérer l’écriture comme un exutoire à sa révolte. Depuis ce premier contact avec les poèmes d’Anthony Phelps, elle consacre son temps entre la littérature et l’enseignement du français ainsi que d’autres matières dans les institutions scolaires américaines.


TOURNURE

Je ne veux plus rêver des hommes 
Cheminant le vent des caraïbes 
Je préfère imaginer leurs ombres 
qui s’aventurent dans le jardin de ma conscience 
Je me fais entremetteuse d’un monde connu 
et celui de l’ inconnu 
Avec eux, je suis ruine déshonorant mes 
parterres de parfum, de naturel et de quiddité 
Sans eux, je suis fortune d’imagination, de sourire 
et de spontanéité 
Je ne veux plus penser aux hommes 
menaces pandémiques d’une société 
asociale 
désormais je les invente au coup 
d’éclair de ma raison conditionnée 
Je me fais paraphrase du réel et de l’irréel 
Pour eux, je suis bonne chair, gourmet, désir 
Loin d’eux, je suis pensée, divine et immortelle 
Je ne veux plus parler des hommes 
Je désire les créer dans des fibres d’amour 
qui transcende le virtuel et peut-être 
qu’un de ces matins apparaîtra l’homme 
que j’ai rêvé



AGAPÈ

Combien j’ai envie de m’abandonner
à la prière amère de mes larmes
car j’habite un corps dont l’amour a déserté
les carrefours dès la jeunesse du matin
Sans amen je cherche l’abri de mon ombre
sans merci il me fuit
j’habite un corps désert
un corps fantôme
un corps liquide
un corps pétrifié
Combien hélas j’ai envie de marcher dans
la mémoire glissante de mes larmes
Car j’habite une ville fumée
depuis la traversée impersonnelle
de mon corps en transit
Sans relâche je furète sa vividité
Sans relâche il se tait
j’habite un corps évaporé
un corps fumant
un corps dilué
un corps périmé
Je suis poussé à voyager
les remous de mes larmes
car je cherche au participe passé
l’Agapè d’un corps inédit.


 
TERRE D'AGONIE

J’entends le souffle poussif d’un peuple
dans l’enceinte funeste d’une île assassinée
Ô Haïti, Nécropole de souvenirs oubliés
avortés de leurs âmes, ces haïtiens
 sans traces, ni race errent
 dans un brouillard primaire
perdus dans la trame dénaturée
de leur histoire
Ô Haïti
Sarcophage de trésors violés
le murmure de ta plainte échoue
dans l’esprit liquéfié de surnaturel
de tes pères
dépatriée, cette plèbe est une embolie
dans la venelle bicentenaire
Ô Haïti
Urne d’ancêtres hypothéqués
Le trille amnésique de tes intellects
fait violence dans la mêlée politique
l’oubli transcende le psychisme de tes fils
accablées de viols tes filles se vendent
La mort est transcodée
Ô Haïti
Traumatisme d’une traversée
non intégrée



MÉTIS

Ta peau d’outre-mer 
se confond à la voie 
lactée, mais ton langage 
à l’arôme du café noir 
ton parfum subtil et sensuel 
est celui du terroir 
alors que tes yeux 
décrivent le bleu de 
leur ciel 
ta musique a des accords de 
violon blancs 
mais tes pas égrènent 
le rythme de nos tam-tam 
Tu es tout, mélange, tandem 
Tu te dis nègre et savoure 
le sucre crème de nos 
pommes cannelles 
Tu te fais blanc et épouse 
les lys au havre 
du paradis 
et ta mère, Métis 
meurt, délaissée 
dans cette hutte engloutie 
par le poids de sa peau 
elle est noire couleur 
corbeau, signe de 
mauvais présage 
porteur de débines 
porteur du néant.



MAUX D’EAU

Il pleut des rivières dans ma tête
 Mon île ne rêve plus
les voix du passé obnubilent son imaginaire
 
Il pleut des tempêtes dans ma tête
 mon île a délaissé son rêve
ses troubadours décriés s’empoissent
dans la gabégie
 
Il pleut à verses dans ma tête
Mon île a gommé son rêve
les tambours de ses contes s’obstinent
dans l’amnésie
 
il pleut, il pleut des larmes dans ma tête
 mon île ne rêve plus
la cohorte des dieux a déserté l’oraison
de ses rites
 
il pleut dans ma tête en eau
ses semences chaotiques ont perdu
leur impulsion
mon île est un immense vase
 de pleurs
Elle a cessé de rêver, mon île !



 L’ÉPITHÈTE NOIRE

Je vis une arythmie de vie, dans un présent obsolescent un présent de plomb un présent asymptotique dans une île illicite. Une île suicidaire dont les entrailles analgésiques fécondent des paralexies d’hommes.

Je régresse dans une claudication, je ne sais où je vais comme l’ensemble ne sait où il va. Ils se nomment bohémiens. Ils disent : je suis descendant de Français…  ils disent: mes arrière-grands-parents étaient des Allemands, ils disent : je viens d’une «Haïti autre» …

Ils ne se disent pas Haïtiens ces visages jaunes, blancs, marrons et noirs atteints de paralalie. Nos nègres, nos mulâtres, nos nègres blancs ont l’esprit embué par une mémoire subliminale. Ils ont peur de rêver noir, peurs d’enfanter noir, ils ont peur de jouir noir, peur de parler noir, ils ont peur d’être noir.

Je vis une arythmie de vie, je parle créole, je danse créole, je mange créole mais je ne sais pas qui je suis, ni d’où je viens ni où je vais. Je suis obnubilée par une réalité agonisante, une réalité mortifère.

Je suis l’ébène on me dit!

Pourtant les femmes d’ébènes n’ont pas la cote, les femmes d’ébènes n’ont plus de sexe, elles n’ont pas de pères, donc pas de pères pas d’amant. Pas de pères pas de promesses d’amour, pas de pères pas de dot. Pas de dot pour réitérer la peau d’ébène.

Les femmes d’ébène ne sont pas des femmes. Elles ne sont que des épithètes de misères dans une île erratique. Tandis que nos nègres, nos mulâtres et nos nègres blancs ont des femmes adjectives : elle est blanche ma femme, elle est métisse ma femme, elle est mulâtresse ma femme, ma femme elle est française, belge, cubaine, dominicaine.

Elles ne sont que des adjectives leurs femmes: femme d’amour, trophée de femme, femme de familles, femme de rêve.

Mais Toi l’ébène, quelle est l’épithète de ton nom de femme? Quel mensonge se tapit dans ta féminité pour être traité en anathème ? Quel sacrilège a-t-on jeté à ton sexe nubile?


 

Terre arc en ciel

Le tambour de Dahomay
s’est éteint à Vertières
son roulement subversif
travesti en furie
assassine ma terre Arc-en-ciel
je décèle dans un bourdonnement
un désir de rédemption
mais hélas !
 Le tam-tam des Peuls
 s’est immobilisé à la Citadelle
son souffle subversif
perverti en folie
dévoye l’esprit de la gente intellect
je découvre dans ce bourdonnement
un refrain de guérison
mais hélas !
 Le son des cornes des Nagos
s’est tû à la Crête à Pierrot
son esprit subversif
annihilé par le tribalisme
obscurci la vision futuriste
de ma terre Arc-en-ciel
se dénoue dans ce bourdonnement
une aversion tribale
et
l’avenir se coagule




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